Il n'est pas facile de parler de shoah. Il y a de la magie dans ce film, et la magie ne peut pas s'expliquer. nous avons lu, après la guerre, des quantités de témoignages sur les ghettos, sur les camps d'extermination ; nous étions bouleversés. mais, en voyant aujourd'hui l'extraordinaire film de claude lanzmann, nous nous apercevons que nous n'avons rien su. malgré toutes nos connaissances, l'affreuse expérience restait à distance de nous. Pour la première fois, nous la vivons dans notre tête, dans notre coeur, notre chair. elle devient la nôtre. ni fiction ni documentaire, shoah réussit cette re-création du passé avec une étonnante économie de moyens : des lieux, des voix, des visages. le grand art de claude lanzmann est de faire parler les lieux, de les ressusciter à travers les voix, et, par-delà les mots, d'exprimer l'indicible par des visages. (...) la construction de claude lanzmann n'obéit pas à un ordre chronologique, je dirais - si on peut employer ce mot à propos d'un tel sujet - que c'est une construction poétique. Jamais je n'aurais imaginé une pareille alliance de l'horreur et de la beauté. certes, l'une ne sert pas à masquer l'autre, il ne s'agit pas d'esthétisme : au contraire, elle la met en lumière avec tant d'invention et de rigueur que nous avons conscience de contempler une grande oeuvre.
Un pur chef-d'oeuvre.